Lundi 1er mars

Carthagene

On est arrivés à Carthagène le vendredi 26 février, il y a 3 jours et il s’est passé plein de choses.
Arrivés le 26 donc. Je me suis levée pour voir l’entrée au port à 6h, comme j’aime bien le faire.

Le Kraken bien amarré, on file tous au bar à 9h avec des croissants-cafés, pour fêter l’arrivée !
Journée de départ de Tom, qui rejoint l’équipage du St Amour en France, près de Marseille, sur le projet de l’étang de Berre.
Il mange son croissant au couteau et à la fourchette, comme il est apparemment servi ici 😀

La journée s’étire, le temps passe doucement. Douche et WC à ne pas utiliser sur le Kraken, nous investissons donc les sanitaires du port pour une douche bien chaude et salutaire. Raz-le-bol de la toilette sommaire effectuée en nav’ en lavant « ce qui est nécessaire ».

En fin d’après-midi, tout le monde profite des terrasses qui nous ont bien manqué en France et s’égaye dans les bars, jusqu’au couvre-feu de 22h.
Noémie, Floriane et moi partons rejoindre les autres dans de petits bars sympathiques.
Un karaoké est en cours sur le Kraken à notre retour, quelques heures plus tard.

Notre énorme voisin
Notre énorme voisin
Louise fait les courses en skate
Louise fait les courses en skate

Entre le 1er et le 13

Il se passe 1000 choses ces 15 jours : de nouvelles arrivées de bénévoles, des départs, de belles soirées, des artichauts à l’huile de truffe (poke Julie), des journées de travail, quelques travaux de cosmétique sur le Kraken… Pas mal d’incertitudes pendant ces semaines passées ici.
Notre capitaine s’impose de lui-même, choix de cœur de l’équipage : ce sera Léo, avec nous depuis janvier.

Peu d’images de cette période : mon téléphone tombe à l’eau plus tard dans l’histoire et je perds pas mal de photos.

Ça sent le départ !

Laurence
Laurence

Un jour indéterminé:

Vers 15h, on a fait un checkup sécurité Marc et moi, j’en ai profité pour faire le tour de sécu complet qui me manquait depuis le début et bien visualiser les emplacements des équipements et leur fonction.
Laurence et Frédéric ont graissé les pas de vis des issues de secours et équipements de sécurité, Floriane a collé des stickers sur les emplacements des éléments de sécu.

13 mars

On part pour Gibraltar bientôt, pour remplir les soutes de gasoil et on a prévu de filer directement sur Funchal (archipel de Madère).

Désormais en charge des réseaux sociaux de l’asso et sans wifi pour les 2 semaines à venir, j’ai planifié toutes les publications sur nos réseaux et je flippe que ça ne marche qu’à moitié.

Je n’arrive pas à m’endormir avant 2h du mat’.

Réveil à 6h30, on quitte Carthagène vers 8h, il fait super beau.
La parenthèse Carthagènoise fut douce pour moi, j’ai aimé cette escale autant que celle de Port Sollers aux Baléares, qui était un petit port calme et tranquille.

Depuis dix jours, de nouvelles personnes se sont jointes à l’équipage et c’est bien cool ! Hier soir Jordane est arrivée, notre dernière recrue. Elle est plongée directement dans le grand bain, avec le départ d’aujourd’hui ! Comme elle est marin, je ne m’inquiète pas.

17h. Gâteau au yaourt végane (merci Louise !)

PG Gate : On est trop cons, on a pas pris de recharge de PQ en partant ! Julie appelle notre agent pour en faire livrer au soutage à Gibraltar.

Trop de fatigue pour finir d'enlever le pantalon avant de dormir 😀

14 mars

Quart d’hier soir calme, on file à 5 nœuds au moteur. Noémie et Lino brûlent d’envoyer les voiles et asticotent les officiers, en vain. Pas assez de vent. Les nouveaux se sont vite adaptés.

8h00. Prise de quart, trois petits dauphins jouent devant l’étrave.

Journée de mer agréable, on navigue depuis hier matin, après le départ de Carthagène.
Veille avec Hélène hier soir sur le gaillard d’avant : relations amoureuses, professionnalisme des uns et loufoqueries des autres, on rigole bien. Je carbure au lait d’avoine-café depuis deux semaines, moi qui n’ai jamais bu de café.

Cette expérience m’a changée sur beaucoup d’aspects que je pensais assez figés : mon besoin de solitude (30 personnes comme colocs sur 9 mois), le fait que je sois une personne assez calme (alors non, il apparait que je suis une vraie pile électrique !), les petits emplois du temps bien cadrés comme j’aime (Ah ah ah, #flexibilité, j’en ris encore)…

15 mars

33ème jour depuis Sète.
01h du mat’.
Quart de nuit difficile, les officiers sont nerveux. On entre dans le DST (l’autoroute des bateaux) près de Gibraltar. Léo, notre capi tout neuf, est tendu; Quentin son second, peu serein.

07h. Arrivée à Gibraltar, réveillés plus tôt pour l’arrivée.

carteGibraltar

15h. Matinée de galère technique en faisant le soutage, l’équipage est sur les nerfs, je fais les 100 pas sur le quai comme un lion en cage.

Après la grosse nuit de tension à l’entrée de Gibraltar, tout l’équipage était déjà crevé, ce problème technique nous achève.
Hâte de se barrer de là.

17 mars

01h30. On est partis de Gibraltar hier, un peu avant 20h.
Grosse houle, je suis dans mon lit, secouée comme un prunier.

8h50. Prise de quart il y a 1h, dans 35 nœuds de vent. Beaufort 7 bien établis dixit notre capitaine ! Avec Louisette, on file faire une ronde de sécurité dans 10 minutes, elle jacasse comme jamais, on se marre bien.

Les vagues sont impressionnantes. Je suis hyper heureuse d’être là et je sens mon cœur léger. Mes soleils intérieurs sont alignés (poke Manon, je suis Dosha Eau j’pense XD), je sais ou je vais, je me sens complète.

Le temps passe différemment sur un bateau, on a le temps de sentir la mer, le ronronnement du moteur ou l’impulsion du vent dans les voiles.
Quand la mer est calme, on voit la journée passer et tout s’accélère lorsqu’on est en manœuvre.
Le rapport aux dates d’arrivée, aux agendas et aux petits plans bien carrés n’est pas le même non plus.
J’apprends à ajouter de la rondeur à mes lignes droites. Mes planning de femme organisée et indépendante s’allègent. Et ce n’est pas déplaisant. J’apprends beaucoup depuis six mois sur le sujet…

Première fois en Atlantique pour moi.

En plein DST, « petite » avarie moteur : tout le monde sur le pont.
On sort toutes les voiles le plus rapidement possible. On raconte que Marc, un de nos officiers (canado-suisse et porteur de crocs, deux infos sans aucun rapport de cause à effet) aurait contacté les bateaux alentours en leur criant :

Marc à la radio, essayant de communiquer avec les bateaux alentours 😂

18 mars

Ongle du pouce gauche retourné lors d’une manœuvre.

La veille, j’ai fini mon quart de nuit avec un mal de crâne qui m’a endormie complet. C’est ma version du mal de mer je crois…
Dormi en timonerie. Florian me pressait d’aller me reposer.

19 mars

On a eu un beau jeudi, le vent va forcir encore dans la nuit qui vient.
On devrait arriver à Funchal très tôt ce dimanche, dans l’archipel de Madère.
Hâte d’arriver.

On est à la voile depuis mercredi, pour le bonheur de tous et c’est bien agréable !
Arnaud et Sonia ont un peu vomi leurs tripes depuis le début du voyage. Vincent, notre cook, n’est pas spécifiquement de la première fraîcheur, mais il donne bien le change.

La grand voile s’est déchirée et les travaux d’aiguille vont bon train l’après-midi dans le carré avant.
Crevée par le vent et l’océan, j’ai fait la sieste.

Quart de nuit.
Dans la veste de quart de Marjorie, sur le pont arrière, je sens le vent. Je remets mon bonnet quand il est trop vif et l’enlève après un effort.
Je passe la langue sur mes lèvres pour goûter le sel marin de la nuit.
Joie fauve et enfantine. Les souvenirs de vacances reviennent.
De la Normandie, je garde le souvenir des journées à Étretat, les embruns vigoureux, l’iode et le vent. Je retrouve ici en Atlantique ce que j’aime dans la Manche.
Houle de travers pendant 4 jours et tentative de café nocturne pour Léo. Grosse responsabilité pour Florian à la barre à ce moment-là 😛

20 mars

11h30. Je cale un cul de poule de pâte à brioche dans ma bannette, où il fait chaud, pour qu’elle lève bien.

17h40. Paraît que la brioche de Louisette était top ! Mais pas végane 😉

Funchal - Archipel de Madère

Dimanche 21 mars

Arrivée autour de 6h à Funchal.
Nuit précédente au mouillage et rondes d’une heure en binôme. J’étais avec Florian, on a discuté un peu, de tout et de rien. On est arrivés quasiment en même temps dans l’association, sur le chantier italien.

On passe la nuit sur le bateau sans sortir : on doit faire des tests Covid le lendemain, pour pouvoir aller se balader librement par la suite.
Tous à la queue-leu-leu dans la tente de dépistage, dès le lundi matin.

Carte Funchal Finale

23 mars.

Il est prévu que je rentre en France vers fin avril, après une passation du poste de communicante du Kraken à Sonia : elle sera chargée de créer les textes qui accompagnent les prises de vue du photographe/vidéaste.

Trio de choc : Jérémy, Sonia et la bonnette
Trio de choc : Jérémy, Sonia et la bonnette

En temps que responsable com’, dans chaque projet/bateau, je dois chapeauter des binômes « média » qui me relayeront les informations et qui constitueront mes équipes de communication.
Petit challenge de coordination quand même 😀

À l’arrivée à Funchal, je suis une loque, épuisée physiquement et mentalement après ces 8 mois intensifs.
À ce moment-là, je ne le vois pas : j’ai toujours eu une belle résistance à la fatigue.

Je me sens à l’écart de tous depuis le début, en dehors de la vie du bateau, puisque quasi seule en cuisine depuis août : d’abord coupée des équipes de travail sur le chantier italien et ensuite en navigation, durant les quarts, qu’ils font sans moi.
Puis, quand je quitte mon poste en cuisine, je me sens inadaptée lors des prises de quart… où bien évidemment, je ne connais pas la moitié des manœuvres ou du vocabulaire puisque je n’ai pas eu le temps/l’occasion de les apprendre.

J’ai bossé comme un bon petit soldat sur cette dernière navigation, pour être à la hauteur de mon capi et de mes coéquipiers. J’espère que c’était le cas.

Deux jours après l’arrivée, bien sûr, je craque.
J’ai besoin de calme.
J’avance ma date de départ du Kraken et prends mon billet de retour en France pour la semaine d’après, début avril.

28 mars.

Mon téléphone tombe dans l’eau du port de Funchal.

Léo, Lino, la chaine
Léo, Lino, la chaine
Noémie, Hélène, Florian, Arnaud, Quentin et Léo

Les travaux ont repris sur le Kraken, une carriole est construite pour aller faire les courses et ramener les déchets lors des dépollutions.
Il faut dérouiller et marquer la chaine de l’ancre. Elle est sortie et étalée proprement sur le pont.

Julien, fondateur de l’asso, nous rejoint à Madère. Contente qu’il soit là, même pour le croiser 2 jours, on commence à bien bosser ensemble.

derniereNuit
Derniere soirée à Funchal, vue depuis le Kraken

6 avril

J’arrive à Marseille le 6 au soir, après un long voyage Madère-Paris-Marseille, crevée mais très motivée et enthousiaste : la team de l’étang de Berre a commencé à bosser la semaine d’avant et le projet est hyper complet !

Thomas et Kévin en plein tournage
Thomas et Kévin en plein tournage
Le St Amour
Le St Amour

Je déchante.
Je ne suis pas du tout préparée aux 2 mois de galère qui m’attendent, entre la fatigue qui s’est accumulée, les stops que je me prends quand on me dit de bien rester à ma place, la recherche de coloc’ qui s’éternise interminablement sur deux mois, la somme de travail pour organiser la coordination des équipes médias, remettre le site web à jour, reprendre tous les documents de présentation avec les projets 2021, l’intégration de l’asso au groupe SOS qui nous prend tous un temps fou.

Plus le quotidien normal de la com’.

Et aujourd’hui ?

Trois mois et demi après mon retour, je suis encore crevée bien sûr, j’ai un appartement en sous-loc’ en plein centre-ville de Marseille, avec une chambre immense et deux super colocs !

J’arrive peu à peu à prendre des jours de congé, je surveille mes équipes médias et garde un œil sur les réseaux.
Je me sens légitime, je sais pourquoi je suis là et ou je vais.

Je porte toujours le t-shirt de Balou, emprunté un jour ou je n’en avais plus un de propre. Il est un poil délavé, avec quelques trous et taché de javel, mais j’arrive pas à le ranger. Même en soirée, je le met avec des talons.

Et j’ai souvent une pensée émue pour Hélène, super équipière, qui m’a noué mon petit bracelet rouge en garcette, la veille de mon départ de Madère et que je resserre 3 fois par jour.

J’ai renoué avec la lecture depuis l’année dernière, ma vieille amie qui m’avait tant manqué et ma foi, ce fut extrêmement utile !
J’ai appris plus de la moitié des termes marins et autres concepts, comme des précisons sur les allures par exemple, avec Moitessier, Arthaud et tant d’autres.

M’ont accompagnés depuis 11 mois (et quelques autres que j’oublie) :

"Le Sans Dieu" - Virginie Caillé-Bastide. On me le prête la semaine de mon arrivée à Wings
"La longue route" - Bernard Moitessier. Belle écriture, le premier que j'ai emporté avec moi en août 2020
"L'usage du monde" - Nicolas Bouvier. Bibliothèque du Kraken, super livre de voyage
"Latitudes vagabondes - Dix années à la voile autour du monde " Daniel Drion
"Cette nuit, la mer est noire" - Florence Arthaud. Récit d'une femme à la mer
"Seul autour du monde" - Joshua Slocum. Joli récit teinté de l'humour de son auteur.
"60 000 Milles à la Voile" - Françoise Moitessier de Cazalet. Joli récit, fort incomplet et elliptique pour moi.
"Latitude Zéro" - Mike Horn. Récit d'un tour du monde sur l'équateur, assez incroyable. Prêté par ma pote Faou
"Et si on partait ?" - Valérie Bihain-Renard Intéressant en terme d'aventure mais relativement mal écrit pour moi.
"Océane" - Florence Arthaud. Une révélation, récit assez incroyable, datant d'avant sa victoire épique de la route du Rhum en 90.
"Vagabond des mers du sud" - Bernard Moitessier. En cours, une pépite <3
"Le Grand marin" - Catherine Poulain. Pas encore lu 😉

Aujourd’hui, je fais de la voile dès que je peux sur Marseille, pour continuer à apprendre, en me faisant plaisir.

Fierté dimanche dernier, de barrer une barquette Marseillaise dans le port de Marseille et l’amener sans encombre à l’emplacement prévu 🙂

Je crois que Léo n'est pas prêt
J’ai toujours aimé la mer.
Je vois que ça prend forme dans les différents projets de cette année. Celui d’aller habiter devant l’Atlantique en novembre dernier (poke Éva :-D), après avoir quitté l’asso (ce qui n’est donc jamais arrivé).
Ceux de prendre le large près d’Étretat régulièrement. Celui de rester habiter sur Marseille, qui se concrétise très doucement.
 
Mon cœur est dans les moments sur les plages du sud à écouter le ressac régulier de la mer, au bord des falaises du nord à guetter la vague qui s’écrase dans une gerbe d’écume, dans la bruine normande à me peler le cul avec un bonnet pour « aller voir la mer » tout simplement.

50 nuances de coucher de soleil sur le St Am’, au port de la Mède, près de Marseille :

Mes amis et ma famille sont partout, au quatre coins de l’Europe. Ils ne définissent pas où j’ai envie d’être. Je peux aller où je veux, c’est bien quelque chose que cette dernière année m’aura appris… Entre autres 😉
 
Fin.