1er février 2021
Sète

À 10 jours du départ pour Madère.

Entorse corsée ce matin en portant une caisse de courge.

Je ne peux plus marcher et je souffre atrocement. Je passe la journée à pleurer de douleur dans le carré arrière, enroulée dans ma couette, un pied en l’air. Je me demande vraiment ce que je fous là et envisage de rentrer chez les parents.

Dans l’après-midi, Julien et Victor me proposent le poste de responsable de la com’ de l’asso, pour commencer début mars. Victor quitte ce poste pour se consacrer à un projet de co-réalisation d’une série documentaire autour du Kraken, avec Indiana et Clément, l’ingé son.
Évidemment, je dis oui.

Les montagnes russes de l’émotion aujourd’hui…

Camille, une de nos gabières, est une ancienne kiné et prendra soin de ma cheville les deux semaines suivantes.
Avant de dormir, on joue au « quart de singe » avec Vincent et Louise, mes colocs de cabine, un jeu d’enfance de Vincent.

2h du mat.
Impossible de m’endormir dans ma banette. Je rejoins le carré arrière avec une nouvelle pochette de glace et pose ma couette pas loin de Victor, qui dort là et qui ronfle déjà.

Le Kraken à Sète, quai d'Alger
Le Kraken à Sète, quai d'Alger

3 février

Fred nous quitte, grosse émotion pour tout le monde. Il est notre second depuis le début et notre référent en matière de sécurité.

Le papa de l’équipage et mon binôme pour le rappel de rangement de tasses ! Ses blagues et son petit cul dans du kaki militaire (avec t-shirt assorti svp) vont nous manquer !

Fred, notre banane préférée :D
Fred, notre banane préférée 😀
La bannière :D
La bannière 😀

10 février

Noémie et Guven (2 de nos gabiers – les gabiers sont les matelots qui travaillent dans les mâts, s’occupent du gréement et des manœuvres voiles) ont bossé dur pour nous organiser les Krakenades, jeux ludiques mêlant formation de matelots, exercices de sécurité et quizz sur la journée.
On doit partir demain et plein de nouveaux bénévoles sont arrivés en janvier, donc fédérons l’équipage !

Balou et Méryl
Méryl a décidé d'arrêter de fumer. Balou fédère à sa façon.

11 février

Branle-bas de combat depuis ce matin, on range et on attache tout. On sangle ce qui doit être sanglé.

Départ prévu autour de midi après l’arrivée de Seb, le capitaine, à 11h.

Seb doit aller prendre un poste ailleurs, un peu plus tard dans le mois et est chargé de nous conduire jusqu’à Madère avant de nous quitter.
Comme d’hab’, ça ne va pas se passer comme prévu, je commence à avoir l’habitude.

Tables du carré avant bien arrimées

En cuisine on est bien : on est trois (Vincent, Louise et moi), ce qui est énorme. Un peu de mal à m’investir dans ce poste (que j’occupe donc toujours depuis 7 mois) et de plus en plus à mesure que le temps passe.

J’ai laissé les rênes à Vincent, qui est désormais le cook « officiel », depuis un bon mois déjà et la passation de poste est assez complète.

Courge Géante du papa de Laure
Grosse courge... à gauche.

On part ! Pas mal de sétois sont venus nous saluer ce midi et les voisins nous font coucou de leurs balcons en face. En 3 mois et demi, on a attiré beaucoup de curieux.

Première aprèm’ de nav’ avec ce nouvel équipage, tout le monde est content.

Indiana râle à cause de la lumière rouge dans le mess pour le repas du soir : quand la nuit tombe, on reste en lumières rouges à l’intérieur. Pas de lumières blanches dans les parties communes, pour ne pas perturber les équipiers qui sont en quart de nuit, dehors et dont les yeux doivent s’accoutumer à chaque fois au fort changement de luminosité entre intérieur et extérieur.

ça gite pas mal !
Ça gîte !
Camille et Anlore
Camille et Anlore

Je me suis baladée partout dans le bateau après le service du soir et je me refroidis. Je file me réchauffer sous ma couette… et je m’endors vers 20h.
Je me réveille un peu avant minuit et file faire un chocolat chaud gingembre-cannelle, que j’avais promis, pour la transition de quart entre 8h-12h et zérac (voir article précédent pour l’orga des quarts).

il fait encore bien froid dehors et les quarts se font avec de multiples couches de fringues, doudoune, gants et bonnets : je croise donc un équipage content de ce chocolat (sauf ceux qu’aiment pas le gingembre, c’est bon, ça va, j’ai compris -_-).

Je réussi à remonter sur ma couchette superposée avec mon pied en vrac et m’endors devant mon hublot.
Contre-hublot ouvert, je regarde les étoiles et la mer.

Pour rappel, l’équipe cuisine est hors quart, on fait des horaires classiques 8h-19h.

Coucher de soleil sur la Méditerrannée
Coucher de soleil sur la Méditerrannée

12 février

Dauphins en vue ! La team est surexcitée.
Louise, l’aide cuisine, se précipite chaque fois qu’elle en voit. Grand moment une nuit, quand on voit ceux qui nagent dans le plancton fluorescent : des dauphins lumineux !

13 février

Marc et Julie
Marc et Julie

Abandon définitif de ma couchette la veille, au profit des banquettes du carré arrière : ma couchette superposée est chiante à atteindre et n’a pas de garde-corps.
La veille, je me suis amarrée le poignet au contre-hublot avec un bout 😀

J’ai des fourmis qui remontent dans le pied, j’ai trop forcé. L’entorse ne veut pas se refroidir correctement. Je me calme sur la cuisine pour les deux jours qui viennent, Vincent et Louise n’ayant que peu besoin de moi.

Apparemment, on doit faire une escale à Majorque entre ce soir et demain. On est sous voile et on file très tranquillement à 3 nœuds.

16h.
La matinée était houleuse, tout tombe : les verres, les casseroles, la plonge qui séchait, les plats…
Louise et moi sauvons in extremis un hachis parmentier !

La cuisine s’est transformée en patinoire dès qu’un verre d’eau s’y est renversé !

Les brownies, dans le sens de la gîte
Les brownies, qui cuisent dans le sens de la gîte

Beaucoup de bris de verre, le frigo ne tient pas en place, le congélateur de la cambuse (pièce de stockage) glisse, lui aussi.

20h.
Je rejoins le pont arrière avec des scones, l’ambiance est aux chants et à la dance, avec Gérald de Palma… Car nous approchons de Palma de Majorque, aux Baléares !

Noémie, Marc et Floriane
Noémie, Marc et Floriane

Le dodo

Je vous ai fait un petit florilège des positions/lieux de sommeil de mes colocs, parce que ça vaut quand-même le détour. Pardon les copaings !

14 février

4ème jour de navigation.
Arrivée à port Adriano à 7h, sur l’île de Majorque.

On part à Sollers quelques jours après
Port Adriano. On part à Sollers quelques jours après.

Petit chantier dans le carré arrière avec Baptiste, pour passer du vernis sur le bas des assises. On laisse bien aérer, car j’y dors toujours.
Pas mal de peinture les jours qui suivent et beaucoup de sourires.

Carré arrière à Sète
Carré arrière en arrivant
Carré arrière au départ de Port Adriano
Nous sommes donc à Majorque, aux Baléares, alors que personne en France ne peut encore bouger où il veut à cause des restrictions Covid.
Je mesure la chance qu’on a : comparée à d’autres, coincés chez eux en télétravail, à faire l’école à la maison, ceux qui ont perdu leur taf, j’ai vécu ces un an et demi d’épidémie dans la joie.
Les trois premiers mois de confinement (mars-mai 2020) dans l’appart avec Lulu et les chats, c’était lune de miel, on était bien tous les quatre.
 
Et ensuite avec la team Wings depuis août, on était les uns sur les autres en Italie, sans trop se soucier du Covid puisqu’on vivait pour le chantier et en vase clos.
Même confinée deux semaines fin août 2020 avec les colocs de l’asso, dans la maison de Mioglia, c’était guinguette !

17 février

3 jours ici, le paysage n’est pas fou. Station balnéaire.

Entourés de yacht immaculés et rutilants, qui sont lavés à 7h tous les matins, l’équipage du Kraken émerge tranquillement à 8h30 et fait la vaisselle au jet d’eau sur le quai.

Eugène à la vaisselle sur le quai - Port Adriano
Eugène à la vaisselle sur le quai - Port Adriano

On fait aussi sécher nos culottes sur les haubans : notre sèche-linge est en panne. #krakenstyle

Indiana prend très à cœur sa mission de nous en faire livrer un neuf et de là lui vient la devise qui ne le quittera plus les mois suivants : « Une mission, une réussite ».

18 février

Ça pète. Grosse prise de tête avec les officiers. Seb, notre capitaine, part finalement ce soir et nous ne sommes clairement pas arrivés à Madère. Léo, Mathias et Quentin, nos trois officiers passerelle ont une grosse pression sur les épaules.

Personne ne passe une bonne journée et on décrète un jour off le lendemain pour s’en remettre. Mathias nous apprend qu’il nous quitte bientôt pour aller retrouver Alix, sa copine, qui avait été la première du couple à nous rejoindre, sur le chantier italien fin juillet 2020.

Je quitte officiellement mon poste en cuisine pour prendre celui de responsable communication, avec deux semaines d’avance.

19 février

Je fini mon bout de chantier dans le carré arrière et file à Palma y passer la journée. Le besoin de souffler est général, la journée de la veille trop lourde en émotions.

Quelques colocs au coucher de soleil, après une dépollution.
Quelques colocs au coucher de soleil, après une dépollution.

20 février

Navigation entre port Adriano et port Sollers, qui est plus au nord de l’île. On a mis 8-9 h entre les deux.
On attendait un gros coup de vent, qui aurait mis le Kraken en péril contre le quai où nous étions amarrés et le choix a été pris d’aller se mettre à l’abri.

Sortie de la cuisine, j’ai intégré les équipes de quart avec plaisir. Noémie et Marc mont mise dans le 8-12h pour ménager mon dos et mon reste d’entorse. Encore des paresthésies dans le pied.

Dimanche 21 février

Jour off, pour tous sauf pour moi, qui ai décidé de bosser pour aller tranquillement chez l’ostéo le lendemain. Mauvais plan, j’ai bossé lundi aussi.
Dimanche soir, c’était barbecue avec Balou, Léo, Mathias et les gars du port. On s’en sort pas trop mal en anglais 😀

Louise à la couture
Louise à la couture
Exercice incendie
Exercice incendie

Mardi 23

Grosse frustration de ne pas pouvoir bosser correctement sur la com’ aujourd’hui : des chantiers sont encore en cours et le carré arrière est inutilisable pour travailler.

Gaëtan me propose un super atelier « bannière », avec un gros poulpe ramassant des déchets dessiné dessus ! On y passe quelques heures.

Après ça, ayant usé les nôtres, on s’est chauffés pour partir dans Sollers en mission feutres… et chaussettes licornes pour Léo.

Banderole Kraken

24 février

14ème jour.
Déjà deux semaines qu’on a quitté Sète et on reprend la mer aujourd’hui, direction Carthagène pour une escale technique.

Port Sollers s’est avéré hyper mignon et on a passé quelques jours au calme ici. L’équipage se ressoude tranquillement et ça bosse sec.

Les eaux noires (les eaux grises sont les eaux de vaisselle et de douche, les eaux noires celles des toilettes) ont débordé dans la cabine 8 ce matin et on a dû nettoyer et désinfecter tout le mess et la cuisine, qui sont attenants.

On est partis aujourd’hui vers 15h, j’ai fait mon premier vrai quart, entre 20h et minuit.

C’était cool, j’étais en mission de veille à l’avant, pour commencer, avec Guillaume.

Appréhension de l’immensité de la mer étendue devant moi dans l’obscurité, que je devais scruter pour repérer les éventuels bateaux en approche.
On ne voit rien, on devine. C’est silencieux et presque hostile comme ambiance.

Heureusement que Guigui était là : musique et rigolade. On est allés à la barre, il m’a expliqué comment barrer (Hélène si tu me lis, je suis sûre que tu rigole 😀 ).
Quart calme dans l’ensemble.

On a vu une météorite de ouf aussi !

25 février

Le 4-8h nous avait préparé un jeu de piste sur le bateau, qui nous a bien occupé… et menant à des friandises.

C’était l’euphorie et on en a complètement oublié de brosser le pont !

Les équipes de quart ont des tâches assignées selon leurs horaires. Typiquement, nous au 8-12h, c’était laver le pont : ça aide à l’entretien du bois qu’il reçoive de l’eau de mer de façon régulière.

Indiana lave le pont
Indiana lave le pont

Sortie de quart à midi, Guven et Hélène se chauffent pour la vaisselle, je file dormir vers 13h.
L’océan fatigue.

Réveil, toilette, changement de fringues. Thé et brownie.

16h. Exercice d’abandon du navire.

Alerte générale et tout le monde sur le pont avant de faire l’appel et se préparer à quitter le voilier (pour de faux einh) !

Tests d’enfilage de combinaisons de survie en moins de 2 minutes. Qui est volontaire ? Je balance Indy et Clément qui n’ont jamais fait leur plouf en combi et qui font déjà les malins sur le pont !
Ils s’y collent avec zéro sérieux et les voilà habillés en Teletubbies.

Par Victor à Savone : Willy et Fred en combi
Par Victor à Savone : Willy et Fred en combi

Débrief sur le pont arrière pour améliorer l’exercice et repérer les incohérences. Anne-Laure et les officiers ont fait un taf de ouf sur la sécu et on se sent tous rassurés.

17h30 passés.
Belle journée en mer, l’ambiance néfaste de Port Adriano n’existe plus et on a une belle équipe soudée.

Navigation

Guillaume a chanté et joué, on a passé de la musique. J’ai discuté de sa vie de marin avec Léo et me suis rapprochée de Noémie, qui est de plus en plus épanouie ici. Florian trouve que la mer me va bien 😀

Je monte des théières entières de thé à partager pendant mes quarts et je zigzag en grimpant sur le pont arrière (pas l’habitude de marcher avec la gite et mon pied est encore douloureux), ce qui fait bien marrer tout le monde. Des progrès à faire sur la proprioception 😛

à suivre…