Lundi 28 mars
Ce matin, on est en groupe (classe coupée en deux) et nous, on visite le sémaphore de Fécamp, pendant que l’autre moitié part manœuvrer en mer toute la journée.
Les sémaphores assurent la présence de la Marine (l’armée donc) sur tout le littoral, participent à la prévention et détection de la pollution. Ils surveillent et contrôlent les espaces maritimes et aériens.
Ils s’occupent de la sauvegarde des vies humaines, en liaison avec le CROSS : les sémaphores voient, les CROSS coordonnent les actions de sauvetage.
C’est haut et ça fout un peu le vertige. Les gars de la Marine nous disent que ça bouge bien pendant les tempêtes : le sémaphore a des haubans 😳
On discute salaire, organisation et vie quotidienne.
On zieute l’autre groupe au loin, aux giga jumelles de l’armée, sorti en mer faire des manœuvres sur l’Anita Conti.
Mercredi 30 mars
Pas cours. Je reste au calme pour faire des papiers, je publie le dernier article de blog et je réseaute « sur les internets », comme disent les seniors.
Je vois une annonce LinkedIn : un poste en communication chez Sea Shep‘, en com’ et coordination d’équipes média.
Je la regarde cinq minutes, je sais très bien que j’irais pas, je me demande juste à quel contact l’envoyer, quelle personne ça boosterait de voir cette annonce ?
Il y a six mois, je me serais battue comme une lionne pour ce poste : mon taf, dans un milieu que je défends et au sein d’une asso que je respecte !
Aujourd’hui, ça ne me fait ni chaud ni froid. J’observe ma réaction un peu cliniquement en me demandant d’où ça vient.
Mon dernier taf à réussi à me dégoûter de la com’ au point de me faire changer de carrière.
C’est assez fou quand-même.
Comment on peut devenir quasi allergique à quelque chose qui nous a passionné pendant des années ?
Raconter l’histoire d’une entreprise/asso, la construire, la faire vivre et s’adresser à des gens qui y seront sensibles, c’était ma came.
Je le fais toujours pour moi-même, parce que j’aime le faire et… que c’est un hobby comme un autre.
Et là, d’un coup, ça me frappe.
Être graphiste et communicante est devenu un hobby ? Je reste assise une bonne heure sur ma chaise, contemplative.
Le métier de graphiste que j’ai cherché à atteindre pendant 10 ans, avec reprise d’études à 30 ans, déménagements, alternances dans deux villes différentes (et je mets quelques sacrifices sous silence), c’est un hobby ?!
J’enregistre l’info.
Par contre, une chose est sûre : je sais quelle voie j’ai choisie fin décembre en contactant les centres de formation pour matelots, j’ai zéro regrets. Je sais que je vais dans le bon sens.
Jeudi 31 mars
Demain c’est manœuvres toute la journée. J’ai hâte mais j’ai un peu d’appréhension. J’aime être sur l’eau, mais piloter cette grosse boîte de conserve (c’est affectueux einh, malgré les défauts certains de ce bateau) entre trois pontons, c’est… un poil sportif. On a trop peu de cours de manœuvre pour connaitre bien le bateau.
Par contre, je sais qu’il faut que je le fasse et que je sois volontaire là-dessus : plus je ferais de manœuvres de port et mieux ça ira. Faut savoir se faire confiance (Poke Morgane).
Vendredi 1er avril
Manœuvres aujourd’hui. Le temps est dégueulasse : du vent, du froid, de la neige et de la grêle !
Le matin, on ne sort pas en mer, évidemment (on serait allé s’écraser sur la jetée, comme des caca mous) et on reste dans l’avant-port. Le vent contrecarre nos efforts pour effectuer les manœuvres correctement et on en chie pas mal.
Jimmy est maudit : dès qu’il prend la barre, paf, une rafale de vent de l’enfer se met à souffler !
J’ai bien fait de mettre les chaussettes de ski !
On va faire des demi-tours dans les hautes vagues de sortie de port : Patrick veut nous montrer comment se comporte le bateau dans des conditions compliquées et qu’on y fasse attention. La mer n’est pas un jouet.
Avant d’entrer dans les vagues et de commencer la manœuvre, j’annonce à Patrick que j’ai quand-même un peu les foies (annonce appréciée) et mes mains tremblent légèrement, lors du retour en eaux calmes.
Ma panoplie normande de matelote
1. Brassière de sport Confort ++ mucho sexy 🍑
2. Culotte cousue et offerte par ma sœur ❤
3. Chaussettes de ski, obligatoirement fluo
4. T-shirt
5. Pantalon qui finira crado
6. Mon sweat le plus chaud ❤
7. Veste de ski (niveau avalanche +) de ma môman
8. Bonnet et écharpe
9. Sexy chaussures de sécu 🍑
10. Ma touche perso dans ce monde glacial et pluvieux ! 😍
Optionnel : les bleus, puisque sur un bateau, on se cogne.
Appel du sémaphore à la VHF :
-« Le Sémaphore pour l’Anita Conti ! Combien êtes-vous à bord ? 9 ? Bien. Est-ce qu’un nommé Paolo est présent ? Qu’il soit bien sage einh !
On reconnait la voix de John ! L’autre groupe visite le sémaphore ce matin.
-Jonathan, qu’est-ce qui est jaune et qui attend ?«
L’après-midi, je suis fatiguée et je reste bien calme. Je suis moins volontaire pour prendre la barre mais j’observe toutes les manœuvres, comme d’habitude.
Il grêle un moment, on reste bien à l’intérieur, comme des pingouins congelés.
Les vagues ne sont plus si hautes et en fin d’aprèm, je prend la barre pour sortir du port et faire un tour dans les vagues avant de rentrer (c’est évidemment Patrick qui a pris la barre pour passer l’entrée) et de finir cette semaine épuisante.
Samedi 2 avril
Journée papotages : appels aux potes pour prendre des news, grande discussion écrite avec le pote Kévin, qui embarque bientôt sur le De Gallant pour la transat à venir. J’aurais trop aimé, ce sera pour une prochaine fois peut-être.
Ça me fait trop plaisir d’échanger avec les potes sur la voile, plein de possibilités devant moi, plein d’envies de travailler avec plein de gens rencontrés cette dernière année !
D’articles en articles (je procrastine le rangement et les révisions aujourd’hui O_o), je tombe sur une interview de Titouan Lamazou où il parle du Vendée Globe (il en a été le premier vainqueur il y a plus de 30 ans) et de comment ça a changé sa vie, mais aussi de la communication actuelle autour de cet évènement.
Et ses mots font écho chez moi : « C’est leur monde. Le mien c’est celui du plaisir, la solitude choisie au bout du monde… Pas celui de la communication imposée, avec menace de pénalité si elle ne répond pas à la fréquence exigée.«
Je crois que j’ai mis le doigt sur ce qui me chiffonnait dans la com’ : la performance à tout prix.
Je regarde où j’en suis : à 2 semaines de la fin de formation.
Il nous reste 3 CCF : matelotage (nœuds, manutention, épissures et pavillons), règles de barre (code de la route, signaux sonores, feux et signalisations des bateaux) et enfin manœuvres.
Je suis hyper contente. De tout !
À suivre…