Lundi 31 janvier

Contrat fini depuis cinq jours. La rentrée c’est ce matin !
Bonjour l’apprentissage, le large et les nœuds de marins.

Merci à ceux qui m’ont portée ces derniers mois extrêmement durs, quand je ne me reconnaissais pas et quand j’avais perdu toute confiance en moi.
Merci aux potes pour les infos, pour les secrets tenus, pour les coups de fils, pour les messages, pour tout !

Maintenant, mon portable ne sonne que pour moi.
Je sais pas si vous vous rendez compte…
L’entièreté des messages qui arrivent dessus me sont destinés. Pas à une entreprise, pas pour un projet, pas pour une info quelconque, pas pour une question à 22h.
Ce sont MES messages.

Fini le taf de responsable communication pour Wings of the Ocean depuis la semaine passée et je n’ai plus ni notifications Insta de l’asso, Facebook ou LinkedIn, ni mails, ni aucun des messages de nos trop nombreux groupes WhatsApp.
Mes messages viennent d’amis, de la famille ou de connaissances. Et ça fait plaisir.

Mardi 1er février

Déjà deux jours que j’ai entamé la formation.

Ici, on ne commence pas les cours directement pour le Certificat de Matelas Matelot de Pont, mais en passant le CFBS (Certificat de Formation de Base à la Sécurité) qui dure deux semaines et comprend de nombreux modules.

Un tour dans l'atlier méca

On a attaqué ces deux semaines sécu avec des informations générales sur la sécurité en mer, les équipements à porter, les situations d’urgence, etc.

Franck, le formateur pour ces premiers jours, a été pêcheur et est bénévole à la SNSM (les sauveteurs en mer) depuis longtemps.

Il émaille ses cours d’anecdotes toutes plus horribles les unes que les autres sur untel qui a perdu un doigt, untel qui est mort en mer, etc.

De quoi mettre ta VFI sans te poser de question ! (La VFI, c’est la brassière qui se gonfle au contact de l’eau)

Ici, c’est plutôt la pêche le but. Je m’y attendais, c’est l’activité majeure en mer sur la région, c’est pas une surprise. Ils n’aiment pas trop les plaisanciers ou les voileux, parfois appelés PEV (Pu* d’enc* de voileux).
Ambiance.

Jeudi 3 février

Eh, vous avez entendu ? Y’a un chalutier qui s’est retourné cette nuit à Dieppe.

C’est l’info de ce matin, annoncée par un des benjamins de la classe (Paolo a vingt ans). Les autres commentent cette actualité factuellement, mais les regards se font plus graves.
Il y a une large majorité de pêcheurs dans ma promo. Un ou deux bénévoles à la SNSM aussi.

Ils savent que l’erreur en mer peut rapidement être fatale et ils ont déjà entendu ce type d’histoires ou parfois vécu ces situations.
Manifestement, leur tête ne fait pas le lien avec les équipements de sécurité et certains ont été « fiers » cette semaine de dire qu’ils ne portent jamais leur VFI, que leur patron de pêche ne la demande pas.

Vendredi 4 février

Photo : Jonathan. On est hyper beaux !

Hier, on a tous fait un plouf en combi de Télétubbies, sous la surveillance de la SNSM.
On a percuté un radeau de survie et fait des exercices pour grimper à bord avec nos combis (très lourdes dès qu’on n’est plus immergés) et retourné ce radeau, pour savoir comment on pouvait le faire le plus facilement possible.

Et alors la combi de survie, c’est sexy !

Qui à la référence ?! Facile
Et oui, Rose, dans Titanic 😛

Petits exercices en pyrotechnie aussi.

1h40 dans la flotte à 9°C, c’était un poil long (on est une vingtaine à passer pour chaque exercice) mais on a « vécu » dans nos combis, on a eu le temps de s’y habituer et on a bien bougé.

De quoi être plus sereins en situation de détresse.
Un peu plus sereins.
Vite fait O_o

Photo : Jonathan. Feux à main.

Aujourd’hui, on a passé la journée avec une formatrice de la Croix Blanche, les secouristes de France.

C’était moult intéressant de se former aux premiers secours. On a pu tester, discuter et se projeter dans les situations d’urgence.

J’envisage déjà la suite, j’espère pouvoir passer les différents niveaux médicaux un peu plus tard pour pouvoir être plus efficace en cas de problème en mer. Ou ailleurs.

Pour quelqu’un qui tombe dans les pommes en se coupant le doigt, c’est un bon challenge qui m’attend !

Samedi 5 février

Le Belem est en hivernage au Havre jusqu’en avril, le copain Quentin est dessus depuis le printemps.
C’est l’occasion d’une petite visite rapide ce weekend.
On prendra plus de temps un jour où il ne sera pas de garde. Même en travaux (et avec les restrictions d’accès Covid qui ne me permettent pas de voir l’intérieur et les quartiers de l’équipage), le voilier reste impressionnant !

Mercredi 9 février

On passe la semaine en bleu de travail et chaussures de sécurité. Avec bonnets, écharpes et doudounes, parce qu’il fait quand même 8°C ici, les jours où y’a pas de vent.

J’adopte le bleu de travail, on devient potes, on fait des soirées pyjama en se faisant des tresses.

Jeudi 10 février

Entre 2 exercices avec les pompiers, je discute avec Chris, jeune marin pêcheur depuis 6 ans, venu passer son CFBS avec nous pour se mettre en règle (il n’était pas obligatoire avant. Le CFBS, pas Chris)
Franchement, le truc de la semaine dernière, c’est un stop pour moi. Encore 2 ans maxi et je file m’acheter un bateau, direction les pays chauds et les promenades de touristes.

Il parle du chalutier qui s’est retourné la semaine passée : 1 personne sur 3 a été retrouvée et elle n’a pas survécu. Un stagiaire de notre lycée maritime faisait partie de l’équipage.

Vendredi 11 février

On a fini le CFBS par 3 jours de feu (la Formation de Base à la Lutte Incendie, ou FBLI), ce qui nous a bien occupé depuis mercredi.

On a eu deux formateurs pompiers avec nous et un gros bus d’entrainement.

On est beaucoup, alors on nous sépare en deux groupes.

Mon groupe commence par l’établissement des manches (les tuyaux qui font passer l’eau de la borne à la lance incendie) et des lances (l’embout qui va au bout du tuyau. Y’en a plusieurs types.)
L’autre groupe va en salle de classe pour de la théorie.

J’étais ravie d’avoir déjà fait ce type d’exercices avec l’asso, au moins une fois, l’année dernière !
On apprend pas mal de choses en trois jours, les formateurs sont sympathiques… et nous racontent d’autres histoires horribles d’incendies, de personnes décédées ou de départs de feu. C’est franchement que du bonheur.
Dans l’après-midi, on passe à la théorie.

Une faute sur ce dessin : on progresse en binôme, un équipier doit être en appui derrière moi 😉

Hier jeudi, c’était ARI (Appareil Respiratoire Isolant : appareil de protection respiratoire permettant de progresser avec une bouteille en milieu peu respirable, irrespirable ou toxique. Similaire aux équipements de plongée sous-marine).

L’ARI est constitué d’un dossard à sangles (celui-ci supporte la bouteille d’air comprimé), d’un casque de pompier et d’un masque respiratoire s’attachant sur le casque.

Donc on s’équipe de l’ARI, on effectue mutuellement le checkup complet avec son équipier pour savoir si tout est fonctionnel. Mon binôme vient de Dubaï, parle plutôt anglais et est légèrement claustrophobe. Great.
Et zou, dans le camion d’entrainement enfumé !

Le formateur nous ouvre la porte et on doit se débrouiller pour rejoindre l’autre porte, à l’autre bout du camion.
C’est pas grand, ça doit faire 9m² environ, mais les formateurs l’ont rempli d’embûches : échelles, draps, sangles, tendeurs, cage métallique et obstacles en tous genres.

On ne voit rien, on tâtonne, on est au sol… la fumée est partout.
Il faut communiquer avec son équipier, par signes ou à la voix si on arrive à s’entendre, ce qui est compliqué avec sa propre respiration qui résonne dans l’ARI.
Il faut se baisser, savoir éviter les obstacles, dire à son partenaire quoi faire pour ne pas qu’il se cogne, etc.
Et atteindre la porte !

  • Premier passage, consigne du formateur pas claire, je reviens à la porte de départ, aucune idée de comment 😀
  • Deuxième passage vite interrompu : mon coéquipier fait un malaise au bout de 2 mètres et on sort rapidement. Tout va bien, il prend du temps pour se poser.
  • Troisième passage avec Paolo cette fois, on s’en sort nickel, avec départ de feu en cours de route et utilisation des extincteurs.
    – Classe B, comme Banane ! Je hurle pour qu’il m’entende, à travers l’ARI et le bruit du feu.

D’autres équipes ont dû sortir des (fausses) victimes conscientes ou inconscientes du camion. Avec l’ARI sur le dos, l’équipement est lourd et le masque réduit le champ de vison. Il y a zéro visibilité dans un espace confiné et complètement enfumé. La « victime » pèse son poids. Tout un programme.

C’était top, il fait beau quand l’après-midi se termine, avec le vent frais si caractéristique d’ici.

Avant de partir, un salut à Louis qui devrait nous rejoindre lundi pour le CMP (mais il attend encore une réponse dans l’aprèm, suivant les places disponibles à l’entrée en formation), à mon coéquipier qui retourne bosser en territoire anglophone et à Chris :
à dans 2 ans sous le soleil ! Bonne continuation !
-Moins de 2 ans j’espère 😉

Allez, salut !