Lundi 14 février
Levée à 6h30 pour cette première semaine de CMP. Ça pique un peu, il pleut jusqu’au lycée.
Un vrai temps de normand !
On rencontre nos deux formateur.ice.s, Morgane et Patrick, qui vont nous accompagner jusqu’à la fin de la formation.
Les différents points à explorer ces deux mois : navigation, sécurité, matelotage, construction, RIPAM (code de la route maritime), entretien, manœuvres, etc.
J’ai passé un mauvais weekend, tout en tensions…
J’ai le cerveau encombré par mon ancien boulot chez Wings, dont la fin n’est pas idéale (Jeu bonus : trouve l’euphémisme dans cette phrase). J’essaie de passer à autre chose.
Aujourd’hui on fait un point autour de l’amarrage d’un bateau, puisqu’on va tout de suite commencer par quelques manœuvres demain, dans l’avant-port.
Patrick, notre formateur, a 41 ans de métier derrière lui, très majoritairement à la pêche. Il part dans une explication et paf, nous assène tout le vocable marin en quelques phrases !
À la pause, j’explique quelques termes à Rodolphe. Ça finira par rentrer.
Il a l’air un peu dubitatif.
Je suis ravie d’avoir lu Moitessier et Arthaud cette année, d’avoir ouvert des dictionnaires ou Google, laissé trainer mes oreilles sur le pont du Kraken, du Largade et de la Marioune…
On va voir où est l’atelier pour le matelotage (ramandage de filet, nœuds marins…), dans les locaux du lycée maritime. Le lycée maritime en lui-même est 200m plus loin que les locaux de la formation pour adultes que nous suivons.
Dans l’aprèm’, on fait rapidement un tour du bateau-école, l’Anita Conti, pour voir où il est, à quoi il ressemble et jeter un œil aux amarres au passage : des coups de vent et avis de tempête régiront la météo cette semaine.
C’est un gros bidule argenté, à la beauté incertaine.
Paolo (qui a fait une formation Mécanicien 250 juste avant) nous ouvre la trappe moteur pour lancer la bécane. On s’habitue au roulis et à l’espace du bateau une courte demie-heure et la journée se termine déjà.
Appréhension de la journée de demain où il faudra prendre en main le bateau. C’est pour de vrai maintenant, fini la plaisance entre Marseille et le Frioul avec un skipper comme cet été. Il faut conduire. Mais je sais que plus je prendrais la barre, plus je serais confiante.
Aucune idée de comment marche un moteur, je sais donc déjà qu’une formation Méca 250 sera sur mon planning d’ici la fin 2022 pour comprendre les bases.
Mardi 15 février
On a sorti l’Anita Conti aujourd’hui, pour faire des tours dans l’avant-port de Fécamp.
Cette grosse bécane à moteur est sortie des chantiers de Dieppe l’année d’avant, construite pour l’école.
Prise en main du bateau chacun son tour, pour des manœuvres d’alignement et de prise de coffre, des demi-tours en espace restreint, etc.
Assez impressionnant à utiliser de prime abord, vu que je n’ai jamais conduit au moteur et qu’il a une taille conséquente…
C’était une bonne journée dehors avec Morgane, notre deuxième formatrice !
Je découvre qu’on a une connaissance en commun, Gaëlle, qui était sur le Kraken en même temps que moi et qui passe un Méca 750 sur Marseille à l’heure actuelle.
Évidemment, après 7h dans le clapot, ça tangue toute la soirée pour moi 😀
Mercredi 16 février
Journée nœuds de marin, pavillons et épissures pour notre groupe, avec Patrick.
On est en cercle, chacun sur son petit banc en bois, dans l’atelier du lycée. Entre deux nœuds, il nous raconte mille histoires vécues ou entendues au cours de sa carrière. C’est super chouette à écouter.
Je suis pas perdue dans les nœuds, j’apprends à faire une épissure. Va falloir s’entraîner un peu je crois !
Patrick me pose des questions sur mes temps de navigation et le travail avec l’asso. Du coup, on parle pollution, il nous raconte encore des trucs de fou sur ce qu’il a croisé en mer.
Moi, ça me va bien de pas manger de poisson, vu les diverses sources de pollution qu’ils ingèrent.
Je lui dis, il est surpris.
J’explique donc que je suis végane.
Au milieu de ma classe d’apprentis péchous donc.
Patrick tique :
– Mais du coup… tu manges des graines de tournesol ? Parce que ma belle-fille, elle était euh… Comme toi. Et elle en achetait des quantités impressionnantes , y’en avait partout !
Tout le monde me regarde. Mon voisin de banc me charrie sur les entrecôtes, évidemment. Celui d’en face me demande ce que je mange pas. Patrick me demande ce que je mange.
Habituel quoi 😀
Jeudi 17 février
Départ de la maison à 7h. Après 5 jours de pluie continuelle, la pelouse est morte, je m’embourbe dans la cour.
Rien à faire pour me dégager, ni planche ni graviers ne suffisent !
Je fais du « café de remerciement » en prévision et j’attends patiemment une heure plus décente pour aller chercher un voisin.
Je sais que je rate la matinée de navigation avec Morgane, je suis dégoûtée : quand le bateau quitte le quai, c’est pour la demie journée.
L’aprèm’, retour au lycée, manœuvre d’alignement impeccable pour moi, petite satisfaction d’avoir compris la manip’. L’alignement, c’est quand tu aligne visuellement deux points fixes à terre et que tu maintiens ce cap le mieux possible.
L’exercice d’homme à la mer me coûte en coordination : il faut continuer à barrer (conduire) en coordonnant un équipage désordonné et inattentif… et en se remémorant la liste des choses à faire pour donner l’alerte correctement.
Vendredi 18 février
Avis de tempête sur la Normandie. La classe est coupée en deux et c’est le deuxième groupe qui doit naviguer ce matin. Ils se grouillent de sortir le bateau et de s’entraîner avant de devoir aller se mettre à l’abri dans le bassin intérieur du port pour 11h.
Nous, on a matelotage et épissures ce matin, on commence un peu plus tard. On les regarde commencer les manœuvres quelques minutes, depuis le quai devant le lycée.
Lundi 21 février
On attaqué le module « Navigation » de la formation, c’est-à-dire : comment se repérer en navigation ?
On apprend comment est découpé le globe terrestre, en parallèles et méridiens, et les angles qui permettent de les trouver et se repérer (les latitudes et longitudes) à partir d’axes d’origine (Équateur et Greenwich).
C’est dur ce matin. Morgane prend sur elle pour répéter plusieurs fois les concepts, patiemment.
Certains n’ont manifestement pas compris l’intérêt de se repérer sur une carte et certains futurs pêcheurs font la mauvaise tête, n’imaginant pas avoir besoin de ça, alors qu’on a des outils technologiques à bord (soumis aux contraintes électroniques du coup) pour le faire.
Mardi 22 février
On apprend qu’il y a trois nords à connaître, pour pouvoir s’orienter sur une carte marine.
Il y a le nord vrai, qui est vraiment au point le plus au nord de la planète, qu’on voit sur les globes terrestres et les cartes. C’est le sommet de la planète, où se rejoignent les méridiens.
Le nord magnétique, n’est pas au même endroit, il est soumis aux variations du soleil, qui change les champs magnétiques de la planète.
Et le nord compas, qui est celui de ton compas sur ton bateau. Ton compas étant aussi soumis au champ magnétique de ton bateau (la présence de plus ou moins de métal), il peut dévier.
Quand tu es sur ton bateau, tu dois tracer ta route sur la carte marine, qui indique le vrai nord, le sommet de la planète donc.
Et ton compas va te donner une indication de direction, qu’il va falloir corriger en fonction de l’angle de déviation du nord magnétique et l’angle de déviation de ton compas.
D’où l’intérêt de savoir calculer les interactions entre les trois nords, pour pouvoir se repérer sur une carte et tracer sa route de navigation ! Limpide.
Kévin (marin rencontré à l’Étang de Berre) avec qui je parle de la formation, m’a dit qu’il avait trop aimé la navigation sur carte, je le comprends ! Ça fait beaucoup d’infos en peu de temps, mais une fois qu’on a compris, c’est vraiment chouette !
Hâte de voir comment marche un sextant si j’en ai l’occasion.
On rentre cette semaine dans un autre monde, avec des méthodes de calcul différentes, un autre vocabulaire, des valeurs différentes. Exit les kilomètres, la route en voiture et tutti quanti.
Bonjour les calculs de route sur carte marine, l’apprentissage de la météo, l’observation des changements de son environnement, les indicateurs de marées, un nouveau code de la route…
Je me sens comme une exploratrice qui vient d’arriver en terre inconnue, avec d’autres plantes, d’autres animaux, un autre langage. Et dans cet environnement, je connais genre 5 plantes 😀
Jusqu’à présent, je me sentais complètement usurpatrice d’un savoir partiel, quand j’expliquais une allure à la voile, un bout de gréement ou un nœud. Comme si je n’étais pas à ma place et que je n’aurais pas vraiment dû avoir accès à ces connaissances. Maintenant, je vais apprendre et savoir, je suis hyper contente !
Vendredi 25 février.
Hier matin très tôt, la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine.
C’est si proche et aucun des états européens n’a répondu à l’appel du président Ukrainien pour l’instant, sur une entrée de leur pays encore libre au sein de l’OTAN.
Je ne peux rien y faire, je pense à mon amie Olga qui voit son pays sous les bombes depuis la France.
Je me concentre sur autre chose, la formation est très dense. Un œil sur l’écran quand on fait une pause, pour suivre l’avancée du problème.
On vient de finir le module Navigation en un temps express. Le lycée nous a fait un planning de cours qui ampute les heures consacrées à ce module. La classe est dissipée et les niveaux sont inégaux…
Je me suis bricolé des fiches de révisions pour à peu près tout.
Lundi, c’est examen !
En ces temps troublés, j’ai besoin de cohésion et d’échanger avec mes collègues : je crée un groupe Whatsapp pour la classe, pour échanger des ressources, des infos et se soutenir pendant les révisions. Inchallah’ il servira plus tard à échanger des tuyaux boulot.
Mardi 1er mars
L’examen d’hier s’est très bien passé, c’était QCM, carte marine et calcul de marées.
Ce matin, on attaque la partie Construction. J’ai pas mal de vocabulaire déjà, après avoir bouffé du Moitessier cet été. Je lis actuellement le « Cap Horn à la voile » et le récit commence par la construction de son Joshua. Ça passe tout seul.
J’ai trouvé un « ABC de la voile » à Emmaüs le weekend dernier, utile et instructif sur la construction.
Vendredi 4 mars
Matelotage avec Patrick pour finir la semaine ! Un peu de théorie sur les cordages le matin, pratique l’après-midi.
J’ai hâte qu’on remonte sur le bateau pour reprendre les manœuvres parce qu’on n’est pas en avance et surtout qu’on a très peu d’heures de nav’.
Mon père est là cette semaine, il écoute mes compte-rendus de cours attentivement.
Il ne dit pas grand chose, mais je vois bien que ça lui plait, que je sois marin. Il peine à comprendre mon envie de formation mécanique pour la fin d’année, mais j’ai envie de savoir comment ça marche et c’est aussi un prérequis à la formation de Capitaine 200.
Et puis soyons francs, son avis ne compte pas dans mes choix professionnels 😀
J’envisage très tranquillement le brevet de capitaine, à la vitesse d’un escargot pour être honnête : les responsabilités d’une capitaine me tentent très peu pour l’instant, j’en ai assez eu dans ma vie.
Jeudi 10 mars
Mon père est rentré en Haute-Savoie mardi.
J’ai posté un carton pour renvoyer ma veste de quart à l’équipage du Kraken, comme je l’avais promis à Marie en la choisissant : la donation Décathlon était conditionnée au fait que les dons ne sortiraient pas de l’association (ce sont des prototypes) et ne serviraient qu’aux bénévoles.
Les derniers papiers sont signées ce matin et renvoyés.
La boucle est bouclée, les liens sont définitivement rompus avec ce boulot exigeant, compliqué et dense qui a été le mien.
Dimanche 13 mars
Cette semaine, c’était construction, ancres, entretien et matériaux des bateaux : l’examen est lundi.
Les règles de barre c’est le lundi d’après. Je suis à la bourre sur les marques de jour et les feux.
Les règles de barre, c’est ce que tu fais quand tu conduis ton bateau : qui a la priorité, qui laisse passer l’autre quand deux routes se croisent, que fait-on dans le brouillard, mais aussi reconnaitre les navires et ce qu’ils sont en train de faire.
C’est entre autre, à ça que servent les marques de jour et les feux la nuit : est-ce que le bateau d’en face est au mouillage, est-ce qu’il pêche, dans quel sens est-il par rapport à moi, etc.
J’étais chez l’ostéopathe hier matin, aujourd’hui je suis défoncée de fatigue : courbatures, gorge qui pique, yeux qui se ferment. C’est un vieux rhume qui me couche. Je galère pour finir cet article.
Une après-midi de révisions m’attend pour l’exam’ de demain !
À suivre…